Arthrose, obésité et diabète de type 2 : exploration des interactions et des implications cliniques

La revue explore les liens entre l'obésité, le diabète de type 2 et l'arthrose, en se concentrant sur l'impact de la distribution de graisse ectopique (intra-abdominale) sur la pathogenèse et la progression de la maladie, avec des implications pour les interventions ciblées et les approches de gestion multidisciplinaires.

Février 2022
Arthrose, obésité et diabète de type 2 : exploration des interactions et des implications cliniques
Arrière-plan

L’obésité et le diabète de type 2 (DT2) augmentent considérablement le risque de développer une maladie arthritique. Bien que deux sujets obèses ou en surpoids puissent avoir le même indice de masse corporelle (IMC), l’un peut présenter un trouble métabolique ou cardiovasculaire tandis que l’autre peut n’avoir que des complications articulaires. En conséquence, un IMC élevé n’est pas toujours suffisant pour faire la distinction entre les personnes en surpoids ou obèses qui présentent un risque élevé de problèmes de santé.

En 1947, Jean Vague introduit la mesure du tour de taille pour différencier l’obésité abdominale (ou centrale) (tissu adipeux viscéral, ectopique) et l’obésité périphérique (sous-cutanée, qui est la localisation typique du tissu adipeux).

La localisation de l’excès de masse grasse varie selon les sujets. L’imagerie (TDM et IRM) a révélé des différences entre les sujets dans la proportion de tissu adipeux logé dans la cavité abdominale : certains individus obèses ont peu de tissu adipeux viscéral, tandis que d’autres, à masse grasse totale identique, ont une plus grande quantité de tissu adipeux. viscéral. Ce tissu adipeux viscéral est associé à un risque accru de maladies métaboliques, cardiovasculaires et de certains cancers, sans oublier le risque de stéatohépatite non alcoolique (NASH).

Ce tissu adipeux viscéral induit une microinflammation locale puis systémique, et s’accompagne d’une accumulation de graisse péricardique et intramusculaire ; Cela empêche les organes concernés, ainsi que l’ensemble du corps, de fonctionner normalement. Une étude récente portant sur plus de 650 000 adultes a montré que quel que soit l’IMC (normal, surpoids, obésité ; IMC compris entre 20 et 50 kg/m2), une augmentation du tour de taille entraîne une augmentation significative et identique du risque. de mortalité, quel que soit l’IMC.

Par rapport à un tour de taille <90 cm pour les hommes et <70 cm pour les femmes, une augmentation de 5 cm du tour de taille augmente la mortalité de 7 % chez les hommes et de 9 % chez les femmes. Cependant, des études récentes montrent qu’une augmentation du tour de taille, quel que soit l’IMC, est également un facteur de risque d’arthrose (OA). Les personnes atteintes de diabète de type 2 (DT2) courent également un risque plus élevé de développer des complications arthritiques.

L’ objectif principal de cette revue était d’explorer les liens entre l’obésité, le diabète de type 2 et l’arthrose, en mettant l’accent sur l’effet de la localisation ectopique (intra-abdominale) de la masse grasse. Le deuxième objectif était de définir les conséquences fonctionnelles de l’arthrose dans cette population, qui présente souvent d’autres comorbidités, et comment la traiter et la prévenir.

Méthodes

Nous avons procédé à une revue de la littérature sur les mécanismes physiopathologiques sous-jacents aux relations entre l’obésité, le diabète de type 2 et l’arthrose (OA).

Résultats

La physiopathologie du lien entre l’obésité et l’arthrose est liée à la fois à l’effet direct des charges mécaniques excessives exercées sur le cartilage et à l’effet du tissu adipeux.

Les adipocytes produisent et libèrent des adipokines (par exemple la leptine). Ils sont également le siège d’une réaction inflammatoire locale lorsque le tissu adipeux est ectopique (tissu adipeux viscéral vs tissu adipeux sous-cutané), puis d’effets systémiques qui s’ajoutent à un mécanisme micro-inflammatoire.

Chez les diabétiques, la résistance à l’insuline peut s’ajouter à ces mécanismes, ce qui peut endommager le cartilage, les os et le tissu synovial. Ils agissent tous ensemble pour réduire la mobilité des sujets obèses et contribuent à un cercle vicieux centré sur l’arthrose, notamment lorsque l’obésité est majoritairement abdominale et/ou associée au diabète de type 2.

Physiopathologie de l’association entre obésité, DM2 et arthrose

 

Rôle de l’obésité

> Effet direct des charges mécaniques sur le cartilage.

L’excès de poids augmente les charges mécaniques sur l’articulation de la hanche et du genou pendant l’activité physique, ce qui constitue le mécanisme le plus probable par lequel l’obésité contribue à l’arthrose. En effet, chaque kilo supplémentaire de poids corporel ajoute 6 kg de charge sur chacun des deux genoux. Cet excès de poids peut induire une dégénérescence du cartilage en raison d’une contrainte mécanique accrue sur les articulations porteuses.

> Rôle du tissu adipeux quelle que soit sa localisation : sous-cutanée ou ectopique (intra-abdominale)

En combinaison avec ces facteurs biomécaniques, les cytokines produites par le tissu adipeux (les adipokines, la leptine étant la plus connue et étudiée, mais aussi la résistine et l’adiponectine) peuvent également être impliquées. L’existence d’une association entre l’obésité et l’arthrose dans les articulations non porteuses, en particulier dans les mains et les doigts, conforte cette hypothèse.

> Rôle de la microinflammation : tissu adipeux ectopique avec et sans obésité

La microinflammation dépend davantage de la localisation du tissu adipeux que de la quantité totale de tissu adipeux. Le tissu adipeux ectopique induit une réaction inflammatoire locale puis systémique (légère inflammation ou microinflammation). Pour cette raison, l’arthrose touche principalement les personnes souffrant d’obésité abdominale, y compris celles ayant un IMC normal et souffrant d’obésité abdominale.

Il existe de nombreuses données scientifiques publiées suggérant que les médiateurs inflammatoires d’origine adipeuse jouent un rôle important dans l’initiation et la perpétuation du processus d’arthrose. Ces médiateurs inflammatoires sont libérés du tissu adipeux (TNFα, IL-6…) ​​dans la circulation systémique et atteignent l’articulation via le réseau vasculaire sous-chondral. Ces médiateurs ont des effets délétères sur le cartilage, les os et le tissu synovial.

Mécanisme supplémentaire chez les diabétiques de type 2 : la résistance à l’insuline ?

La physiopathologie de cette association entre DT2 et OA n’a pas été déterminée. Une glycémie élevée pourrait déclencher une inflammation et une dégradation du cartilage par le stress oxydatif et une accumulation de médiateurs inflammatoires et de produits finaux de glycation avancée (AGE). De plus, au-delà d’un excès chronique de glucose, le DT2 se caractérise par une résistance accrue à l’insuline, qui pourrait être impliquée dans le développement des ostéophytes et de la sclérose sous-chondrale. Des études prospectives sont nécessaires pour déterminer si le diabète est un facteur de risque indépendant de l’obésité ectopique pour le développement de l’arthrose ou sa gravité.

Conséquences fonctionnelles de l’obésité et du diabète de type 2

L’obésité est associée à une déficience fonctionnelle et à un handicap fonctionnel dans les études transversales et longitudinales, à une accélération du handicap et à la nécessité de recourir à une arthroplastie chez les sujets souffrant d’arthrose du genou. Cependant, au-delà de l’IMC, la répartition de la masse grasse est un élément important à considérer. Il est bien prouvé qu’une répartition principalement abdominale de la masse grasse est impliquée dans la physiopathologie de l’arthrose.

Obésité, diabète de type 2 et perte de mobilité

La masse musculaire et la capacité physique diminuent physiologiquement avec l’âge, mais la présence de DM2 accélère la perte de masse musculaire. En conséquence, les diabétiques courent un risque élevé de handicap physique et plus particulièrement de perte ou de déclin de leur mobilité.

Dans l’ étude Look Ahead (5 145 sujets atteints de DT2 avec un âge moyen de 59 ans et un IMC de 36 kg/m2, une durée de diabète de 6,8 ans, HbA1C 7,3 % ; 59,8 % de femmes), 18,2 % des personnes atteintes de DT2 présentaient des problèmes de mobilité (incapacité d’accomplir les activités de la vie quotidienne) et la prévalence de cette limitation grave est passée à 26,4 % quatre ans plus tard (à noter que les sujets avaient moins de 65 ans) .

Cependant, dans les groupes diabétiques ayant reçu une intervention intensive sur le mode de vie combinant un régime hypocalorique et une activité physique, la prévalence a été réduite à 20,6 % quatre ans plus tard.

Notamment, cette intervention sur le mode de vie actif a entraîné une réduction de 48 % de la gravité de l’incapacité de mobilité chez les sujets diabétiques de type 2 en surpoids ou obèses par rapport aux sujets n’ayant pas reçu de conseils en matière de nutrition ou d’activité physique. Cet effet était lié à la fois à la perte de poids (-4,7% à 4 ans, corrélée à l’observance) et à l’amélioration des capacités physiques.

Une réduction de 1 % du poids corporel et une augmentation relative de 1 % de la capacité physique ont réduit le risque de perte de mobilité de 7,3 % et 1,4 %, respectivement. Les deux facteurs (perte de poids et activité physique) ont contribué indépendamment à l’effet observé.

Options thérapeutiques

La prise en charge des patients en surpoids et obèses consiste à réduire leur masse grasse et à réduire significativement leur tour de taille (c’est-à-dire la masse grasse intra-abdominale) pour réduire la morbidité excessive. 

Le critère d’une perte de poids réussie est le maintien d’une perte de poids de 10 % ou plus du poids initial après 1 an ; Il a été démontré que c’est le seuil de perte de poids pour des améliorations significatives des paramètres cardiovasculaires et métaboliques. Cependant, il est extrêmement difficile de maintenir cette perte de poids à long terme.

Des études ont montré qu’après une perte de poids induite par une restriction calorique, vous retrouverez 33 à 50 % de votre poids initial dans les 12 à 18 mois suivants. Des études observationnelles ont montré qu’une activité physique régulière initiée pendant la phase de perte de poids et maintenue pendant la phase de stabilisation du poids peut aider à maintenir son poids sur le long terme.

Il est intéressant et pratique que l’obésité abdominale soit très sensible aux effets d’une activité physique régulière. Sa prise en charge repose sur une alimentation adéquate et une activité physique. Le tissu adipeux viscéral est considérablement réduit avec une activité physique régulière (en respectant les directives sanitaires de 150 minutes d’activité physique modérée par semaine), même si aucune perte de poids n’est effectuée.

Discussion

La prévention de l’arthrose liée à l’obésité doit être au centre de l’attention chez les sujets à haut risque, tels que ceux qui sont obèses avec un syndrome métabolique > obèses « métaboliquement sains », atteints de diabète de type 2 et les sujets de poids normal souffrant d’obésité abdominale (définie comme tour de taille > 102 cm). pour les hommes et 88 cm pour les femmes). L’élément principal de cet effort de prévention est la perte de poids associée à une alimentation équilibrée et à une activité physique régulière.

Conclusion

L’activité physique est un élément à part entière de la prise en charge thérapeutique de l’obésité, du diabète de type 2 et du syndrome métabolique, ainsi que de toute maladie présentant ces comorbidités. Il est intéressant de noter que parmi les critères mesurés, on note également une amélioration de la mobilité, des douleurs articulaires et de l’arthrite.

La prévention de l’arthrose liée à l’obésité doit être au centre de l’attention chez les sujets identifiés comme présentant un risque « articulaire et métabolique » élevé, tels que ceux qui sont obèses avec un syndrome métabolique > obèses « métaboliquement sains », souffrent de diabète de type 2 et les sujets présentant un syndrome métabolique normal. poids avec obésité abdominale (définie comme un tour de taille > 102 cm pour les hommes et 88 cm pour les femmes).

Enfin, l’arthrose symptomatique peut être un point d’entrée clinique plutôt que silencieux (contrairement aux taux de glucose sanguin modérément élevés) pour les troubles métaboliques. Autrement dit, lorsqu’un patient présente une arthrose symptomatique du genou, c’est l’occasion de mesurer sa glycémie et de rechercher un diabète de type 2.