Utilisation de la troponine T de haute sensibilité comme biomarqueur de la cardiotoxicité des anthracyclines.
Les anthracyclines constituent une classe de chimiothérapie très efficace utilisée pour traiter une grande variété de tumeurs malignes . Son utilisation est compliquée par le développement d’ un dysfonctionnement cardiaque lié au traitement du cancer (CT-RCD), défini au sens large comme le développement d’un dysfonctionnement systolique ventriculaire gauche après un traitement contre le cancer.
La troponine, un marqueur bien établi de la nécrose myocardique et des lésions myocardiques précoces après une chimiothérapie aux anthracyclines, peut prédire le développement ultérieur d’un CT-RCD . Cependant, on ne sait pas à quel moment la troponine doit être mesurée ni s’il existe un seuil cliniquement pertinent qui prédit le mieux le développement du CT-RCD.
But
1. Déterminer si la troponine T de haute sensibilité (hsTnT) prédit avec précision le développement de l’anthracycline CT-RCD
2. Établir le meilleur moment auquel le hsTnT doit être mesuré pour prédire le CT-RCD
3. Établir la concentration de hsTnT la plus cliniquement pertinente pour prédire le CT-RCD
Méthodes
En 2020, nous avons introduit un parcours clinique pour les patients ambulatoires recevant une chimiothérapie aux anthracyclines dans notre établissement. Dans le cadre de cette voie, les concentrations de hsTnT sont mesurées au départ (avant la chimiothérapie) et avant chaque cycle d’anthracycline.
Dans cette étude, nous avons réalisé un audit prospectif auprès de patients ambulatoires recevant une chimiothérapie à base d’anthracycline pour le traitement de tumeurs malignes du sein ou hématologiques.
Les concentrations de troponine ont été évaluées avant chaque cycle de chimiothérapie et des analyses de courbe ROC ont été effectuées pour déterminer le moment et le seuil les plus précis pour prédire le CT-RCD. Le CT-RCD a été défini comme une baisse de la fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) > 10 % par rapport à la valeur initiale jusqu’à une valeur < 50 %.
Résultats
118 patients ambulatoires ont été traités par chimiothérapie aux anthracyclines entre août 2020 et mai 2022. 64 patients (54 %) ont été traités pour un cancer du sein et 54 (46 %) pour des hémopathies malignes.
L’âge moyen était de 54 ± 15 ans, avec 71 % de femmes. Au début de l’étude, 27 (23 %) des patients avaient un diagnostic d’hypertension, 16 (14 %) de diabète, 28 (24 %) des antécédents de tabagisme, 10 (8 %) d’insuffisance rénale chronique et 31 ( 26%) obésité. La dose cumulée médiane était de 360 mg/m² pour l’épirubicine et de 300 mg/m² pour la doxorubicine.
La fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) moyenne de base était de 60,5 ± 4 %. 97/118 (82 %) patients ont eu un échocardiogramme de suivi. 11/97 (11 %) patients ont développé un CT-RCD.
Les concentrations moyennes de hsTnT ont progressivement augmenté à mesure que la dose cumulée d’anthracycline augmentait (Fig. 1).
La concentration initiale de hsTnT était le prédicteur le plus précis d’un CT-RCD ultérieur (ASC 0,75), avec une sensibilité de 75 % et une spécificité de 80 % pour prédire le CT-RCD si la concentration initiale de hsTnT était ≥ 10,5. ng/l. De plus, la concentration moyenne de base de hsTnT était significativement plus élevée chez les patients avec CT-RCD que chez ceux sans CT-RCD, P = 0,0008 (Fig. 2).
Conclusions Les concentrations de troponine T à haute sensibilité semblent être cliniquement utiles pour prédire le CT-RCD ultérieur, le point de mesure le plus précis étant la valeur de base, avant de commencer la chimiothérapie. |
Référence : Utilisation de la troponine T à haute sensibilité comme biomarqueur de la cardiotoxicité des anthracyclines . C Bannister, B Tam To, T Patel, R Yap, A Cannata, D Bromage